Traditions à Guadeloupe : Les esprits de la nuit
Aux Antilles, ils sont encore très présents. Ainsi, le mois de mai est-il celui de la diablesse. À la tombée du jour, celle-ci surgit, dressée sur une charrette. Lancée au grand galop, elle fouette son attelage, crie à pleins poumons, frappe sur un tambour et entraîne avec elle l’esprit des hommes qui s’attardent sur sa beauté mulâtre. Il y a aussi ces gentils petits cochons, les ti-cochons-sianes, qu’on entend couiner au crépuscule autour de la maison.
Sur ces îles où les trésors enfouis sont nombreux, il y a, dit-on, « toujours un corps au-dessus de l’or ». Le gardien de l’argent, comme on l’appelle, est souvent un ancien esclave qui, ayant creusé le trou, fut remercié d’une balle de plomb pour sceller le secret. Son esprit veille sur le trésor et terrorise ceux qui le convoitent.
Mais les esprits les plus célèbres des nuits tropicales sont sans conteste les zombis. Ils ont aux Antilles un sens différent du vaudou haïtien et désignent divers grands diables des îles. Ainsi, les soucougnans sont des « engagés » qui possèdent le pouvoir de voler.
Les morfoisés (métamorphosés) quittent leur corps pour prendre l’apparence d’un animal : souvent un chien. Les Antillais n’ont pas oublié qu’au temps de l’esclavage les chiens servaient à traquer les « Nègres marron », et ils ne les aiment guère.
Les rencontres avec les esprits ont lieu la nuit. Ceux-ci quittent les cimetières pour se dérouiller les jambes et, accessoirement, terroriser les vivants. La mémoire collective antillaise a perpétué un ensemble de règles à respecter. D’abord, de manière paradoxale, il faut éviter les églises. Elles sont, la nuit, de vrais repaires à esprits. Également tous les endroits sombres, comme les ravins, les bois épais, les ruelles étroites ou le dessous des ponts.
Si, malgré tout, on croise un revenant, il convient de retrousser ses vêtements, ou d’arracher une touffe d’herbe avec un peu de terre accrochée. En dernier recours, faire un signe de croix.

